Un locataire ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers en raison d’infiltrations affectant le local loué.
Par son arrêt de la 3e chambre civile du 6 juillet 2023, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative au jeu de l’exception d’inexécution dans le cadre des relations locatives.
Petit rappel l’exception d’inexécution permet à un contractant de suspendre l’exécution de ses obligations lorsque l’autre partie ne remplit pas les siennes. Depuis la réforme du 10 février 2016 concernant le droit des obligations, le législateur a consacré l’exception d’inexécution de l’article 1219 du code civil : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible si l’autre n’exécute pas la sienne ou que l’inexécution est suffisamment grave ».
Dans l’arrêt cité, le local, mis à disposition par le bailleur, souffrait d’infiltrations. Ce dernier refusait de laisser réaliser des travaux par la copropriété. Selon la locataire des lieux, le bailleur a donc manqué à une obligation essentielle du bail de procéder aux réparations exigées par l’état des lieux et de garantir la jouissance d’un local conforme à celui loué. La cour d’appel avait approuvé mais l’arrêt est cassé au motif que les juges n’ont pas vérifié si les infiltrations rendaient véritablement « les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés ».
La question est de savoir si le locataire est totalement privé de la chose ou non ?
La Cour de cassation rappel que c’est aux juges du fond qu’il revient d’apprécier le bien-fondé de l’exception d’inexécution. Cette dernière permet de faire respecter l’équilibre contractuel du « donnant-donnant ». Comme le rappelle la Cour de cassation, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait point à son engagement. De même, en vertu de l’article 1719 du code civil, le bailleur s’oblige, par la nature du contrat, à délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
La Cour d’appel avait retenu que, « peu important que l’exploitation ne soit pas totalement impossible, l’exception d’inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail ».
On sait que la Cour de cassation a tendance à orienter sa décision en considération des nouveaux textes. L’arrêt du 06 juillet 2023 permet donc de penser que les nouvelles dispositions du code civil ne modifient pas les solutions jurisprudentielles antérieures.
Une autre question peut se poser : est-il possible de moduler l’exception d’inexécution en cas d’inexécution partielle ?
Dans son article 1219 du code civil le législateur exige une inexécution « suffisamment grave ». Dans l’arrêt en question, les infiltrations perturbent gravement l’activité sans toutefois l’empêcher totalement, ce qui pourrait permettre une suspension d’une partie des loyers. Néanmoins la Cour de cassation semble refuser le mécanisme de l’exception d’inexécution partielle. Seul l’empêchement total de la jouissance des lieux aurait permis l’exception d’inexécution.